Sous les conventions précédentes, votre indemnisation était à la fois acquise, et proportionnelle à votre activité antérieure. Vous aviez la promesse définitive de 243 allocations quelle que soit votre activité en cours. C'est le modèle classique de capitalisation des placements financiers : plus votre activité est importante, plus vos cotisations le sont, plus vous êtes rémunéré.
La convention 2016 (ré-)introduit le principe mutualiste : le montant de votre allocation journalière reste proportionnel à votre activité antérieure, mais maintenant, elle vous est versée en fonction de votre activité en cours. Si vous avez peu d'activité après votre ouverture de droits, vous serez indemnisé plus longtemps (jusqu'à 1 an), grâce aux intermittents qui eux ont de l'activité et cotisent. Si au contraire vous avez beaucoup d'activité après votre ouverture de droits, vous serez peu indemnisé (votre revenu viendra essentiellement de votre activité), et avec vos cotisations, vous financerez l'indemnisation de ceux qui ont peu d'activité.
La nouvelle convention issue de accord du 28 Avril et de son avenant du 23 Mai entrent en vigueur le 1er Août 2016, elle repose sur un modèle plus solidaire.
A. Nouveautés
Voici les principales mesures de l'accord et son avenant, et la comparaison avec la convention de 2014, seules les nouveautés concernant les salariés sont présentées. Les bonnes nouvelles sont en vert, les mauvaises en rouge, et celles en noir sont mitigées, généralement elles avantagent ceux qui ont peu d'activité et pénalisent ceux qui en ont beaucoup.
- affiliation : 507 heures sur 12 mois pour tous, actuellement : 507h sur 10 mois pour les techniciens et 10,5 mois pour les artistes
- affiliation : 70 heures d'enseignement des artistes et techniciens (120h pour les plus de 50 ans), actuellement : 55h (90h pour les plus de 50 ans) pour les seuls artistes
- affiliation : plafonnement mensuel des heures travaillées chez plusieurs employeurs : 250h, actuellement : 208h
- affiliation : généralisation du cachet de 12h pour les artistes et réalisateurs rémunérés au cachet, actuellement : co-existence de cachets groupés de 8h, et de cachets isolés de 12h
- affiliation : nouvelle clause de rattrapage avec ouverture de droits pour 6 mois si 1014h sur 2 ans dont 338h sur la dernière année, actuellement : pas de rattrapage possible
- affiliation : nouvelle clause de rattrapage avec ouverture de droits pour 6 mois si 338h sur 12 mois, actuellement : pas de rattrapage possible
- indemnisation : nouveau calcul du montant de l'allocation (voir chapître E. Simulation)
- indemnisation : création d'un equivallent-salaire pour le Congé Maternité et l'arrêt de longue durée, actuellement : CM et arrêt comptent pour 0€
- indemnisation : allocation journalière minimale : 44€, pour les artistes et 38€ pour les techniciens, actuellement : pas de minimum
- indemnisation : examen à date fixe tous les 12 mois avec une indemnisation variable allant de 0j à 365j, suivant l'activité, actuellement : indemnisation de 243j garantis et glissants
- indemnisation : augmentation du différé avec répartition de sa durée sur les 8 premiers mois d'indemnisation, actuellement : totalité du différé appliquée en début d'indemnisation
- indemnisation : diminution du nombre d'allocations mensuelles de 0 à 3 jours en fonction des Congés Spectacles provenant des heures travaillées sur la période de référence, actuellement : pas de diminution du nombre d'allocations mensuelles
- indemnisation : plafonnement du nombre d'allocations mensuelles en fonction des revenus (salaires + allocations) indexé sur le plafond mensuel de la Sécurité Sociale, à 3797€/mois, actuellement : plafond fixé à 4505€/mois
B. Tendances
L’analyse du nouveau modèle d’assurance-chômage montre des différences notables par rapport aux différentes conventions en vigueur depuis 2003, qui constituent un ensemble réglementaire obéissant aux mêmes principes, malgré quelques ajustements successifs.
Les intermittents précaires sont mieux protégés, que cette précarité soit structurelle ou conjoncturelle.
Ceux qui cumulent difficilement 507h avec un salaire bas autour de 10€/h, ou qui alternent des périodes d’indemnisation et des périodes hors-système, ainsi que ceux qui rencontrent un « accident » conjoncturel d’activité y compris pour les plus hauts revenus (baisse d’activité, congé de longue durée, congé maternité…) connaitront une indemnisation à la fois plus régulière, plus élevée et plus longue.
Cette tendance semble être l’objectif de l’accord, atteint grâce à la mécanique conjointe des nouvelles dispositions : isolément, chaque mesure va vers une meilleure protection des plus précaires, mais c’est leur action simultanée qui permet de le garantir.
Les intermittents moyens et aisés voient une baisse de leur revenu mensuel à activité constante
Ceux qui cumulent plus de 700h avec des salaires supérieurs à 12€/h auront moins de jours indemnisés par mois, cette baisse étant progressive. Leur ouverture de droits qui pouvait être de 2 ans ou plus sera régulière, tous les 12 mois.
Ceux qui ont des salaires supérieurs à 30€/h verront leur revenu global plafonné et lissé sur l’année. Là encore, c’est un ensemble de mesures qui tend vers cet objectif, l’assurance-chômage ne participera plus au dépassement de 3800€/mois de revenu.
C. Application
Le décret du 13 juillet fixe la date d'application au 1er Août et les conditions d'application.
NB : Dans ce qui suit, le terme de contrat de travail retenu désigne le dernier contrat connu et attesté : vous l'avez donc déclaré lors de l'actualisation mensuelle, et de son côté, l'employeur l'a également déclaré à Pôle Emploi. Il faut être vigilant concernant les dates. Par exemple, un contrat du 3 au 4 Août pourra être retenu avec certitude qu'à partir de mi-Septembre car vous et votre employeur ne le déclarerez à PE que début Septembre.
Convention applicable
C'est la date de fin de contrat retenu qui détermine la convention applicable, que vos droits soient ouverts ou non. Exemples :
- vous êtes indemnisé jusqu'au 22 Octobre 2016, et votre dernier contrat de travail retenu se termine le 9 Septembre : l'examen de vos droits suivra la nouvelle convention car le dernier contrat est postérieur au 1er Août
- vous êtes indemnisé jusqu'au 22 Octobre 2016, et votre dernier contrat de travail retenu se termine le 30 Juillet : l'examen de vos droits suivra l'ancienne convention car le dernier contrat est antérieur au 1er Août
- vous n'êtes pas indemnisé (droits épuisés ou première admission) et votre dernier contrat se termine le 1er Août 2016 : l'examen de vos droits suivra la nouvelle convention
- vous n'êtes pas indemnisé (droits épuisés ou première admission) et votre dernier contrat se termine le 31 Juillet 2016 : l'examen de vos droits suivra l'ancienne convention
Date anniversaire flottante
Après une première admission suivant les règles de la nouvelle convention, la date anniversaire de l'admission suivante est toujours la date de fin de contrat retenu. En conséquence, la période de recherche d'affiliation, théoriquement de 12 mois, peut être beaucoup plus courte. Exemples :
- vous êtes indemnisé jusqu'au 15 Décembre 2016, et votre dernier contrat de travail retenu se termine le 9 Septembre : l'examen de vos droits suit bien la nouvelle convention (voir ci-avant) mais votre prochain examen de droits ("date anniversaire") est le 9 Septembre 2017, vous n'avez donc que du 15 décembre 2016 au 9 Septembre 2017, soit un peu moins de 9 mois pour effectuer 507 heures.
- vous êtes indemnisé jusqu'au 15 Décembre 2016, et votre dernier contrat de travail retenu se termine le 14 Décembre : l'examen de vos droits suit bien la nouvelle convention et votre prochain examen de droits ("date anniversaire") est le 14 Décembre 2017, vous avez donc 12 mois pour effectuer 507 heures.
- vous êtes indemnisé jusqu'au 15 Décembre 2016, mais à cette date vous êtes sous contrat terminant le 26 Décembre : l'examen de vos droits suit bien la nouvelle convention et votre prochain examen de droits ("date anniversaire") est le 27 Décembre 2017, vous avez donc 12 mois pour effectuer 507 heures.
En résumé, il faut idéalement avoir son dernier contrat de travail juste avant sa date anniversaire pour disposer du maximum de temps (12 mois) pour effectuer à nouveau 507h.
Application progressive des dispositifs
Compte tenu du caractère précipité et inhabituel du décret, publié 15 jours avant son application, les règles fondamentales de la nouvelle convention entrent en vigueur le 1er Août 2016, les autres doivent être appliquées rétroactivement avant le 1er Décembre, et enfin les dernières sont appliquées en 2017.
Intermittent est conforme à la Convention 2016
D. Pertinence et pérennité
L'accord de 2003 devait réduire le fameux déficit entre les allocations versées et les cotisations perçues des intermittents, aujourd'hui de 1 md€. Rappelons que ce déficit n'a pas de sens dans le système d'assurance chômage inter-professionnel, par exemple cette même présentation comptable pour les salariés en CDD montre un déficit de 6 md€... Quel est son bilan 13 ans après :
- le "déficit" est sensiblement identique depuis 10 ans
- le nombre d'intermittents indemnisés et non-indemnisés a augmenté
- le nombre de crises et blocages conduisant à une dégradation de l'activité économique toute entière a explosé
Non seulement, l'accord de 2003 n'a pas atteint son objectif, mais il est même contre-productif d'un point de vue strictement économique.
Si ce nouvel accord est socialement justifié, sera-t-il viable demain ?
Les intermittents précaires bénéficieront d'une meilleure protection, financée par la baisse d'indemnisation des salariés aisés, l'augmentation de 1% des cotisations, la suppression de l'abattement sur l'assiette des cotisations... Mais ce changement louable ne va-t-il pas conduire a augmenter mécaniquement leur nombre ? Si oui, l'équilibre de l'accord conçu avec les 110 000 intermittents indemnisés aujourd'hui est-il toujours tenable avec 130 000 intermittents ?
Bien sûr, une telle augmentation d'intermittents n'est pas prévue (cf rapport tripartite, 2014) ...tout comme la mécanique de l'accord de 2003 était sensée la contenir.
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